Résistance aux antimicrobiens

15 février 2018

Principaux faits

  • La résistance aux antimicrobiens compromet la prévention et le traitement efficaces d’un nombre croissant d’infections dues à des bactéries, des parasites, des virus et des champignons.
  • Elle constitue une menace croissante pour la santé publique dans le monde et nécessite de prendre des mesures dans tous les secteurs et à l’échelle de la société tout entière.
  • L’absence d’antibiotiques efficaces compromettrait les succès de nombreux actes chirurgicaux et de la chimiothérapie contre le cancer.
  • Le coût des soins pour les patients atteints d’infections résistantes est plus élevé que pour les infections non résistantes à cause de la durée plus longue de la maladie, des tests supplémentaires et des médicaments plus onéreux.
  • En 2016, 490 000 personnes avaient contracté une tuberculose multirésistante et la résistance commence aussi à compliquer la lutte contre le VIH et le paludisme.

Qu’est-ce que la résistance aux antimicrobiens?

 La résistance aux antimicrobiens Esurvient lorsque les micro-organismes (bactéries, champignons, virus et parasites) évoluent quand ils sont exposés à des médicaments antimicrobiens (comme les antibiotiques, les antifongiques, les antiviraux, les antipaludiques et les anthelminthiques).

On appelle parfois «super bactéries» celles qui développent une résistance aux antimicrobiens, mais cela concerne tous les micro-organismes.

En conséquence, les médicaments perdent leur efficacité et les infections persistent dans l’organisme, augmentant le risque de transmission à d’autres personnes.

En quoi la résistance aux antimicrobiens est-elle une préoccupation mondiale?

De nouveaux mécanismes de résistance apparaissent et se propagent à l’échelle mondiale, compromettant notre capacité à traiter des maladies infectieuses courantes, entraînant une prolongation de la durée des maladies, des incapacités et des décès.

En l’absence d’antimicrobiens efficaces pour la prévention et le traitement des infections, certains actes médicaux, comme les transplantations d’organe, la chimiothérapie anticancéreuse, la prise en charge du diabète et de nombreuses interventions chirurgicales (par exemple les césariennes ou le remplacement des hanches), deviennent très risqués.

La résistance aux antimicrobiens augmente le coût des soins de santé en prolongeant la durée des séjours en hôpital et en imposant des soins plus intensifs.

Elle compromet les acquis des objectifs du Millénaire pour le développement et remet en question la réalisation des objectifs de développement durable.

Quels sont les facteurs accélérant l’apparition et la propagation de la résistance aux antimicrobiens?

La résistance aux antimicrobiens survient naturellement dans le temps, en général à la suite de modifications génétiques. Néanmoins, l’usage abusif ou excessif de ces médicaments accélère le processus. Dans de nombreux endroits, les antibiotiques sont utilisés de manière abusive ou excessive chez l’être humain comme chez l’animal et sont souvent donnés sans contrôle professionnel.

Des exemples d’usage abusif sont la prise de ces médicaments par des gens souffrant d’infections virales, comme le rhume ou la grippe, ou leur administration aux animaux et aux poissons comme activateurs de croissance.

On retrouve les germes résistants aux antimicrobiens chez l’être humain, l’animal, dans les aliments et dans l’environnement (eau, sol et air). Ils peuvent se propager de l’homme à l’animal et inversement, ainsi que d’une personne à l’autre. Une mauvaise lutte contre les infections, des conditions sanitaires laissant à désirer et la manipulation incorrecte des denrées alimentaires favorisent la propagation de la résistance aux antimicrobiens.

Situation actuelle

Résistance des bactéries

La résistance aux antibiotiques est présente dans tous les pays.

Les patients atteints d’infections dues à des bactéries résistantes sont exposés à un risque accru de dégradation de l’issue clinique et de mortalité; il faut aussi leur consacrer davantage de ressources de santé que pour les patients infectés par des souches non résistantes des mêmes bactéries.

La résistance de Klebsiella pneumoniae – une bactérie intestinale commune pouvant provoquer des infections potentiellement mortelles – aux antibiotiques de dernier recours (les carbapénèmes) s’est propagée dans toutes les régions du monde. K. pneumoniae – est une cause majeure d’infections nosocomiales: pneumonies, septicémies et infections des nouveau-nés et des patients en unité de soins intensifs. Dans certains pays et à cause de cette résistance, les carbapénèmes ne sont plus efficaces pour la moitié des patients traités pour des infections à K. pneumoniae .

La résistance d’E. coli à certains des médicaments les plus largement utilisés pour traiter les infections des voies urinaires (les fluoroquinolones) est très répandue. Dans de nombreuses régions du monde, il y a des pays où ce traitement est désormais inefficace chez plus de la moitié des patients.

Des échecs thérapeutiques aux médicaments de dernier recours contre la gonorrhée (les céphalosporines de troisième génération) ont été confirmés dans au moins 10 pays (Afrique du Sud, Australie, Autriche, Canada, France, Japon, Norvège, Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord, Slovénie et Suède).

L’OMS a récemment actualisé les lignes directrices pour le traitement de la gonorrhée afin de prendre en compte l’émergence de la résistance. Elle ne recommande pas les quinolones (une classe d’antibiotiques) à cause des niveaux élevés de résistance. De plus, elle a aussi réactualisé ses lignes directrices pour le traitement des chlamydioses et de la syphilis.

La résistance aux médicaments de première intention pour traiter le staphylocoque doré (Staphylococcus aureus), cause courante d’infections graves contractées aussi bien dans les établissements de santé que dans les communautés, est également très répandue. On estime que les personnes ayant un SARM (Staphylococcus Staphylococcus aureus, résistant à la méthicilline) ont une probabilité 64% plus élevée de mourir que celles qui ont une forme non résistante de cette infection.

La colistine est le traitement de dernier recours pour des infections potentiellement mortelles dues à des entérobactéries résistantes aux carbapénèmes. On a détecté récemment la résistance à la colistine dans plusieurs pays et régions, rendant incurables les infections par ces bactéries.

Résistance de la tuberculose

L’OMS estime qu’en 2016, il y a eu environ 490 000 cas de tuberculose multirésistante (tuberculose-MR), une forme de tuberculose qui est résistante aux deux antituberculeux les plus puissants. Seul un quart de ces cas environ (129 686) ont été détectés et notifiés. La tuberculose-MR demande des protocoles thérapeutiques beaucoup plus longs et moins efficaces que pour la tuberculose non résistante. À l’échelle mondiale, seulement 54% des cas de tuberculose-MR ont été traités avec succès en 2016.

Chez les nouveaux cas de tuberculose en 2016, 4,1% avaient une tuberculose multirésistante. La proportion chez les personnes déjà traitées pour cette maladie passe à 19%.

La tuberculose ultrarésistante (tuberculose-UR), définie comme étant résistante à au moins 4 des principaux antituberculeux, a été identifiée dans 121 pays. On estime que 6,2% des personnes atteintes de tuberculose-MR ont en fait une tuberculose-UR.

Résistance du paludisme

En juillet 2016, la résistance du paludisme à P. falciparum au traitement de première intention (combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine, appelées CTA) a été confirmée dans 5 pays du Bassin du Mékong (Cambodge, Myanmar, République démocratique populaire lao, Thaïlande et Viet Nam). Dans la plupart des endroits, les patients atteints d’un paludisme résistant à l’artémisinine guérissent complètement après le traitement, à condition qu’ils aient été traités avec une CTA comportant un médicament associé efficace.

Toutefois, le long de la frontière entre le Cambodge et la Thaïlande, P. falciparumest devenu résistant à presque tous les antipaludiques disponibles, ce qui complique encore plus le traitement et nécessite une surveillance étroite. Il y a un risque réel que cette multirésistance apparaisse bientôt ailleurs dans la sous-région. La propagation des souches résistantes dans d’autres parties du monde pourrait constituer un problème majeur pour la santé publique et compromettrait les progrès récents de la lutte antipaludique.

Une Stratégie de l’OMS pour l’élimination du paludisme dans le Bassin du Mékong (2015-2030 ) a été approuvée par les 5 pays, ainsi que la Chine.

Résistance du VIH

En 2010, on estimait que 7% des patients entamant une thérapie antirétrovirale dans les pays en développement étaient infectés par un VIH résistant aux médicaments. Dans les pays développés, ce chiffre était de 10-20%. Quelques pays ont récemment signalé des niveaux équivalents à 15%, voire supérieurs, chez les patients entamant un traitement contre le VIH et jusqu’à 40% chez les patients recommençant un traitement. Il faut d’urgence prêter attention à cette situation.

L’augmentation des niveaux de résistance a des répercussions économiques importantes, les traitements de deuxième et de troisième intention étant respectivement 3 et 18 fois plus chers que ceux de première intention.

Depuis septembre 2015, l’OMS a recommandé la mise en route d’une thérapie antirétrovirale pour toutes les personnes vivant avec le VIH. Un recours accru aux antirétroviraux devrait augmenter davantage la résistance aux antirétroviraux dans toutes les régions du monde.

Afin d’optimiser au maximum l’efficacité à long terme des schémas thérapeutiques antirétroviraux de première intention et veiller à ce que les patients bénéficient du schéma thérapeutique le plus efficace, il est essentiel de continuer à surveiller la résistance et de maintenir au minimum l’émergence et la propagation de cette résistance. En consultation avec les pays, les partenaires et les parties prenantes, l’OMS élabore actuellement un nouveau plan d’action mondial pour lutter contre la résistance du VIH aux médicaments (2017-2021).

Résistance de la grippe

Les médicaments antiviraux sont importants pour le traitement de la grippe épidémique et pandémique. Jusqu’à présent, pratiquement tous les virus grippaux A en circulation chez l’homme étaient résistants à une catégorie d’antiviraux, les inhibiteurs de la protéine M2 (amantadine et rimantadine). Toutefois, la fréquence de la résistance à l’oseltamivir, inhibiteur de la neuraminidase, reste faible (1-2%). La sensibilité aux antiviraux est suivie de près dans le cadre du Système mondial OMS de surveillance de la grippe et de riposte.

Nécessité de mesures concertées

La résistance aux antimicrobiens est un problème complexe qui touche toute la société et qui est dû à de nombreux facteurs liés entre eux. Les interventions uniques et isolées n’ont qu’un impact limité. Une action coordonnée est requise pour réduire au minimum l’émergence et la propagation du problème.

Tous les pays doivent avoir un plan d’action national contre la résistance aux antimicrobiens.

Il faut intensifier l’innovation et les investissements dans la recherche et le développement de nouveaux médicaments antimicrobiens, vaccins et outils de diagnostic.

L’action de l’OMS

L’OMS fournit une assistance technique pour aider les pays à élaborer leurs plans d’action nationaux et à renforcer leurs systèmes de santé et de surveillance, de façon à pouvoir prévenir et prendre en charge la résistance aux antimicrobiens. Elle collabore avec ses partenaires pour renforcer les bases factuelles et élaborer de nouvelles actions contre cette menace mondiale.

L’OMS travaille étroitement avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation mondiale pour la santé animale (OIE) afin de promouvoir les meilleures pratiques pour éviter l’émergence et la propagation de la résistance aux antimicrobiens, et notamment l’utilisation optimale des antibiotiques tant chez l’homme que chez l’animal.

En septembre 2016, les Chefs d’État réunis lors de l’Assemblée générale des Nations Unies se sont engagés à adopter une approche coordonnée pour s’attaquer aux causes fondamentales de la résistance aux antimicrobiens dans plusieurs secteurs, en particulier la santé humaine, la santé animale et l’agriculture. L’OMS aide ses États Membres à élaborer leurs propres plans d’action nationaux pour lutter contre la résistance aux antimicrobiens.

L'OMS a mené de multiples initiatives pour lutter contre la résistance aux antimicrobiens

 

Semaine mondiale pour un bon usage des antibiotiques

Cette semaine est organisée en novembre de chaque année, depuis 2015, sur le thème «Antibiotiques : à manipuler avec précaution». Cette campagne mondiale pluriannuelle est l’occasion d’organiser des activités chaque année plus nombreuses.

Système mondial de surveillance de la résistance aux antimicrobiens (GLASS)

Ce système soutenu par l’OMS facilite l’application d’une approche standardisée de la collecte, de l’analyse et de la communication des données sur la résistance aux antimicrobiens au niveau mondial, afin de soutenir la prise de décisions et de motiver les actions locales, nationales et régionales.

Partenariat mondial pour la recherche-développement d’antibiotiques (GARDP)

Le GARDP est une initiative commune de l’OMS et de l’Initiative sur les médicaments pour les maladies négligées (DNDi) destinée à favoriser la recherche-développement dans le cadre de partenariats public-privé. D’ici à 2023, ce partenariat vise à mettre au point et à proposer jusqu’à 4 nouveaux traitements grâce à l’amélioration des antibiotiques existants et à la mise plus rapide sur le marché d’antibiotiques nouveaux.

Groupe de coordination interorganisations sur la résistance aux antimicrobiens (IACG)

Le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies a créé l’IACG en vue d’améliorer la coordination entre les organisations internationales et de garantir une action mondiale efficace pour contrer cette menace à la sécurité sanitaire. L’IACG, coprésidé par le Vice-Secrétaire général de l’ONU et par le Directeur général de l’OMS, est composée de représentants de haut niveau des institutions des Nations Unies concernées, d’autres organisations internationales et d’experts de différentes domaines.