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La santé mentale dans les situations d’urgence

11 juin 2019

Principaux faits

  • La quasi-totalité des personnes qui ont vécu une situation d’urgence souffriront de troubles psychiques qui, dans la plupart des cas, s’estomperont avec le temps.
  • Une personne sur 11 (9%) ayant connu la guerre ou une autre situation de conflit il y a 10 ans ou moins présentera un trouble mental modéré à sévère.
  • On estime qu’une personne sur cinq (22%) habitant dans une zone de conflit souffre de dépression, d’anxiété, d’un trouble de stress post-traumatique, d’un trouble bipolaire ou de schizophrénie.
  • On estime qu’une personne sur cinq (22%) habitant dans une zone de conflit souffre de dépression, d’anxiété, d’un trouble de stress post-traumatique, d’un trouble bipolaire ou de schizophrénie.
  • La dépression et l’anxiété deviennent plus fréquentes avec l’âge.
  • Les personnes atteintes de troubles mentaux sévères sont particulièrement vulnérables pendant les situations d’urgence et elles doivent avoir accès à des soins de santé mentale et à d’autres moyens de satisfaire leurs besoins essentiels.
  • Selon les lignes directrices internationales, il est recommandé de mettre en place des services à plusieurs niveaux – des services de base aux soins cliniques – et les soins de santé mentale doivent être immédiatement disponibles pour répondre à des problèmes urgents et spécifiques, dans le cadre de l’action sanitaire.
  • On a constaté que les situations d’urgence, malgré leur caractère tragique et leurs effets néfastes sur la santé mentale, sont l’occasion de mettre en place des systèmes de santé mentale pérennes pour tous ceux qui en ont besoin.

Types de problèmes

Toute situation d’urgence de grande ampleur entraîne divers types de problèmes sociaux et de santé mentale.

Problèmes sociaux:

  • préexistants: par exemple pauvreté et discrimination des groupes marginalisés;
  • provoqués par la situation d’urgence: par exemple séparation des familles, insécurité, perte des moyens de subsistance, perturbation des contacts sociaux, perte de confiance et perte de ressources; et
  • provoqués par l’action humanitaire: par exemple surpeuplement, manque d’intimité et affaiblissement du soutien communautaire ou traditionnel.

Problèmes de santé mentale:

  • préexistants: par exemple dépression, schizophrénie ou abus d’alcool;
  • provoqués par la situation d’urgence: par exemple deuil, réactions aiguës au stress, abus d’alcool et de drogues, dépression et anxiété, dont trouble de stress post-traumatique; et
  • provoqués par l’action humanitaire: par exemple anxiété due au manque d’informations sur la distribution de nourriture ou sur la façon d’obtenir des services de base.

Prévalence

La plupart des personnes confrontées à des situations d’urgence présenteront des troubles (par exemple anxiété et tristesse, désespoir, troubles du sommeil, lassitude, irritabilité ou colère et/ou douleurs).

Ceux-ci sont normaux et, chez la plupart des gens, ils s’estomperont avec le temps. Cependant, la prévalence des troubles mentaux courants, comme la dépression et l’anxiété, est généralement multipliée par plus de deux dans les situations de crise humanitaire.

La charge des troubles mentaux dans les populations touchées par des conflits est extrêmement lourde: il ressort d’un examen par l’OMS de 129 études menées dans 39 pays qu’une personne sur cinq (22%) ayant connu la guerre ou un autre type de conflit il y a 10 ans ou moins présentera une dépression, de l’anxiété, un trouble de stress post-traumatique, un trouble bipolaire ou une schizophrénie.

Selon l’examen de l’OMS, la prévalence estimée des troubles mentaux parmi les populations touchées par des conflits, quel que soit le moment choisi (prévalence ponctuelle), est de 13% pour les formes légères de dépression, d’anxiété et de trouble de stress post-traumatique, et de 4% pour les formes modérées. La prévalence ponctuelle estimée pour les troubles sévères (schizophrénie, trouble bipolaire et formes sévères de dépression, d’anxiété et de troubles de stress post-traumatique) est de 5%. On estime qu’une personne sur 11 (9%) habitant dans un endroit qui a été exposé à des conflits au cours des 10 dernières années présentera un trouble mental modéré ou sévère.

Dans les zones de conflit, la dépression et l’anxiété augmentent avec l’âge. La dépression est plus courante chez la femme que chez l’homme.

Les personnes qui souffrent de troubles mentaux sévères peuvent être particulièrement vulnérables pendant et après les situations d’urgence et elles doivent pouvoir satisfaire leurs besoins de base et bénéficier de soins cliniques essentiels. Selon une étude, publiée en 2014, sur le système d’information sanitaire de 90 camps de réfugiés dans 15 pays à revenu faible ou intermédiaire, parmi les consultations pour des troubles mentaux, neurologiques ou liés à l’abus de substances psychoactives, 41% concernaient des cas d’épilepsie, 23% des troubles psychotiques et 13% des formes modérées ou sévères de dépression, d’anxiété ou de troubles de stress post-traumatique.

Action d’urgence efficace

Les directives interinstitutions concernant la santé mentale et le soutien psychosocial dans les situations d’urgence, approuvées par l’OMS, recommandent de mettre en place des services à plusieurs niveaux – des services de base aux soins cliniques. Les soins cliniques de santé mentale doivent être prodigués par des spécialistes (personnel infirmier spécialisé en psychiatrie, psychologues ou psychiatres), ou sous leur contrôle.

L’aide des communautés et le soutien psychosocial doivent être renforcés, par exemple en créant ou en rétablissant des groupes communautaires où les membres collaborent pour résoudre des problèmes et participent à des activités telles que les secours d’urgence ou l’apprentissage de nouvelles compétences, tout en veillant à la participation des personnes vulnérables et marginalisées, y compris celles atteintes de troubles mentaux.

Le soutien psychologique d’urgence apporte une aide affective et pratique de première intention aux personnes confrontées à une détresse aiguë due à un événement récent. Ce soutien devrait être assuré par des intervenants sur le terrain, y compris du personnel de santé, des enseignants ou des bénévoles qualifiés.

Des soins cliniques de base en santé mentale couvrant les affections prioritaires (par exemple dépression, troubles psychotiques, épilepsie, abus d’alcool et de substances psychoactives) devraient être dispensés dans chaque établissement de soins de santé par un personnel de santé qualifié et supervisé.

Les interventions psychologiques (par exemple interventions axées sur la résolution de problèmes, thérapie interpersonnelle de groupe, interventions fondées sur les principes de la thérapie cognitivo-comportementale) pour les personnes souffrant d’une détresse prolongée devraient être dispensées par des spécialistes ou des agents communautaires du secteur sanitaire et social qualifiés et supervisés.

La protection et la promotion des droits des personnes présentant de graves problèmes de santé mentale et des handicaps psychosociaux sont particulièrement importantes dans les situations d’urgence humanitaire. Il peut s’agir de visites, de suivi et de soutien aux personnes en établissement psychiatrique ou en maison de retraite.

Il faut établir des liens et des mécanismes d’orientation entre les spécialistes de la santé mentale, les prestataires de soins généraux, le soutien communautaire et d’autres services (par exemple écoles, services sociaux et services de secours d’urgence, tels que ceux qui distribuent de la nourriture et de l’eau et procurent un logement).

Pour l’avenir: les situations d’urgence peuvent permettre d’améliorer les systèmes de santé mentale

La santé mentale est essentielle pour le relèvement socioéconomique général des individus, des sociétés et des pays à la suite d’une situation d’urgence.

Les progrès mondiaux en matière de réforme de la santé mentale seront plus rapides si, à chaque crise, des efforts sont déployés pour transformer le regain d’attention à court terme pour les problèmes de santé mentale, qui s’accompagne d’une augmentation de l’aide, en une dynamique de mise en place de services à long terme. De nombreux pays ont tiré parti de situations d’urgence pour renforcer leur système de santé mentale.

En République arabe syrienne, en dépit – ou peut-être à cause – des défis posés par le conflit actuel, les services de santé mentale et le soutien psychosocial sont aujourd’hui plus facilement accessibles qu’ils ne l’ont jamais été. Ils sont désormais proposés dans des établissements de santé et d’aide sociale de niveau primaire et secondaire, par des centres communautaires, des centres d’aide aux femmes et des programmes en milieu scolaire dans plus de 12 villes situées dans des gouvernorats durement touchés par le conflit, alors qu’avant le conflit, les soins de santé mentale étaient principalement dispensés dans les hôpitaux psychiatriques d’Alep et de Damas.

À Sri Lanka, au lendemain du tsunami de 2004, la santé mentale était une priorité absolue. Il en a résulté une réforme du système de santé mentale pour laquelle l’OMS a aidé le Gouvernement à apporter des innovations majeures destinées à remédier à la pénurie de ressources humaines dans ce secteur, en particulier au niveau des différentes catégories de professionnels de la santé mentale. En conséquence, 20 districts sur les 27 que compte le pays disposent désormais d’une infrastructure de services de santé mentale, contre 10 seulement avant le tsunami.

Lorsque le typhon Haiyan a frappé les Philippines en 2013, seuls deux établissements fournissaient des services de santé mentale de base et le nombre de personnes capables d’apporter un soutien était insuffisant pour répondre aux besoins. L’OMS et ses partenaires ont contribué à développer largement les services de santé mentale publics. En conséquence, 100% des établissements de santé de la région touchée disposent désormais d’un personnel formé à la prise en charge des troubles mentaux.

La santé mentale devrait également être incluse dans les plans nationaux de préparation aux catastrophes. L’OMS et l’Organisation panaméricaine de la Santé aident les pays de la sous-région des Caraïbes de la Région des Amériques à apporter un soutien psychosocial et des services de santé mentale adéquats aux personnes qui en ont besoin, après le passage de cyclones ou la survenance d’autres catastrophes naturelles.

Action de l’OMS

L’OMS est la principale institution à apporter des recommandations techniques en matière de santé mentale dans les situations d’urgence. En 2019, elle est active dans plusieurs pays et territoires touchés par des situations d’urgence de grande ampleur: Bangladesh, Cisjordanie et bande de Gaza, Iraq, Jordanie, Liban, Nigéria, République arabe syrienne, Soudan du Sud, Turquie et Ukraine.

L’OMS copréside le Groupe de référence du Comité permanent interorganisations (CPI) sur la santé mentale et le soutien psychosocial dans les situations d’urgence, qui fournit des conseils et un appui aux organisations travaillant dans des situations d’urgence.

L’OMS travaille dans le monde entier pour que l’action pour la santé mentale dans les situations d’urgence humanitaire soit coordonnée et efficace et pour qu’ensuite tout soit fait pour que les systèmes de santé mentale soient mis en place/reconstruits et pérennes.

Les conseils et outils de l’OMS sont utilisés par la plupart des organisations internationales d’aide humanitaire agissant dans le domaine de la santé mentale. Avec ses partenaires, l’OMS élabore des outils pratiques et des lignes directrices pour répondre aux besoins en matière de santé mentale des personnes se trouvant dans des situations d’urgence.