La maladie de Chagas, connue également sous le nom de trypanosomiase américaine, est une maladie potentiellement mortelle provoquée par le protozoaire Trypanosoma cruzi (T. cruzi).
On estime que, dans le monde, 6 à 7 millions de personnes sont infectées par Trypanosoma cruzi, le parasite responsable de la maladie de Chagas. On la trouve principalement dans les zones d’endémie de 21 pays d’Amérique latine (1), où elle est la plupart du temps transmise à l’homme par contact avec les déjections de triatome, variété de punaise portant différents noms selon la région géographique.
Le coût du traitement reste élevé. Uniquement en Colombie, on estime à environ 267 millions de dollars (US$) le coût annuel des soins médicaux dispensés aux personnes atteintes en 2008. Les pulvérisations d’insecticide pour la lutte antivectorielle reviendrait à près de 5 millions par an, soint moins de 2% des dépenses médicales.
La maladie a été baptisée du nom de Carlos Ribeiro Justiniano Chagas, le médecin brésilien qui l’a découverte en 1909.
Répartition
La maladie de Chagas sévit principalement en Amérique latine. Toutefois, au cours des dernières décennies, elle a été dépistée de plus en plus souvent aux États-Unis d’Amérique, au Canada, dans de nombreux pays d’Europe et dans certains pays du Pacifique occidental. Cette propagation est principalement due à la mobilité de la population entre l’Amérique latine et le reste du monde.
Signes et symptômes
La maladie de Chagas se présente en 2 phases. La première, la phase aiguë, dure environ 2 mois. Au cours de celle ci, un nombre élevé de parasites circulent dans le sang. Dans la plupart des cas, il n’y a pas de symptômes ou des symptômes non spécifiques ou bénins. Chez moins de 50% des personnes piquées par un triatome, les premiers signes visibles caractéristiques peuvent être une lésion cutanée ou un œdème violacé des paupières d’un œil. Elles peuvent aussi présenté les signes suivants: fièvre, céphalées, lymphœdème, pâleur, douleurs musculaires, difficultés respiratoires, œdème et douleurs abdominales ou thoraciques.
Au cours de la phase chronique, les parasites se cachent principalement dans le muscle cardiaque et les muscles digestifs. Jusqu’à 30% des patients souffrent de troubles cardiaques et jusqu’à 10% de troubles digestifs (généralement méga œsophage ou mégacôlon), neurologiques ou les 2 à la fois. Plus tard, l’infection peut conduire au décès soudain dû à une arythmie cardiaque ou à une insuffisance cardiaque progressive provoquée par la destruction du muscle cardiaque et de son système nerveux.
Transmission
En Amérique latine, T. cruzi est principalement transmis par les déjections infectées de triatomes hématophages. Ces triatomes (sorte de punaises) vivent généralement dans les fentes des murs des habitations précaires en milieu rural ou suburbain. Ils se cachent généralement pendant la journée et sortent la nuit pour se nourrir de sang de mammifères, y compris de sang humain. Ils piquent généralement une zone de peau exposée comme le visage, et défèquent ou urinent à proximité de la piqûre. Les parasites pénètrent dans l’organisme lorsque la personne se frotte ou se gratte instinctivement et fait pénétrer les déjections dans la lésion, les yeux, la bouche, ou toute autre altération de la peau.
T. cruzi est également transmis par:
- la consommation d’aliments contaminés par T. cruzi, par exemple par contact avec des déjections ou des urines de triatomes ou de marsupiaux contaminés;
- par transfusion de sang de donneurs infectés;
- par passage d’une mère infectée à son enfant pendant la grossesse ou l’accouchement;
- par transplantation d’organes de donneurs infectés;
- lors d’accidents de laboratoire.
Traitement
Pour éliminer le parasite, la maladie peut être traitée au moyen de benznidazole ou de nifurtimox. Les 2 médicaments sont efficaces à près de 100% et permettent de guérir la maladie s’ils sont administrés suffisamment tôt après l’infection, dès le début de la phase aiguë. Leur efficacité diminue toutefois avec l’ancienneté de l’infection.
Le traitement est également indiqué pour les personnes chez qui l’infection a été réactivée (par exemple en raison d’une immunodépression) pour les patients au cours de la phase chronique précoce. Les adultes infectés, notamment ceux qui ne présentent aucun symptôme, devraient se voir proposer un traitement, car le traitement antiparasitaire peut éviter ou freiner l’évolution de la maladie et prévenir la transmission congénitale chez la femme enceinte. Les avantages potentiels du traitement médicamenteux pour prévenir ou retarder le développement de la maladie de Chagas devraient être pesés en tenant compte de la durée prolongée du traitement (jusqu’à 2 mois) et des réactions indésirables possibles (qui surviennent dans un pourcentage de patients pouvant aller jusqu’à 40%).
Le benznidazole et le nifurtimox ne devraient pas être administrés aux femmes enceintes ni aux personnes souffrant d’insuffisance rénale ou hépatique. Le nifurtimox est également contre-indiqué pour les personnes présentant des antécédents de troubles neurologiques ou psychiatriques. De plus, un traitement spécifique des manifestations cardiaques ou digestives peut s’avérer nécessaire.
Lutte et prévention
Il n’existe pas de vaccin contre la maladie de Chagas. La lutte antivectorielle est la méthode la plus efficace pour prévenir la maladie de Chagas en Amérique latine. Un dépistage sanguin est nécessaire pour prévenir l’infection consécutive à une transfusion ou à une transplantation d’organe.
À l’origine (>9000 ans), T. cruzi ne touchait que les animaux sauvages. Il s’est ensuite propagé aux animaux domestiques et aux personnes. En raison de la taille du réservoir du parasite chez la faune sauvage dans les Amériques, il ne peut être éradiqué. Par contre, les objectifs de la lutte sont d’éliminer la transmission et de donner accès aux soins de santé aux personnes infectées et malades.
T. cruzi peut infecter plusieurs espèces de triatomes, dont lavaste majorité sont présentes dans les Amériques. Selon la zone géographique, l’OMS recommande les méthodes suivantes de prévention et de lutte:
- pulvérisation d’insecticides à effet rémanent dans les maisons et les zones environnantes;
- améliorations apportées aux habitations et propreté des logements pour prévenir l’infestation par des vecteurs;
- mesures de prévention personnelle telles que les moustiquaires;
- bonnes pratiques d’hygiène lors de la préparation des aliments ou de leur transport, leur stockage et leur consommation;
- dépistage des donneurs de sang;
- dépistage des donneurs et des receveurs d’organes, de tissus ou de cellules;
- accès au diagnostic et au traitement pour les personnes chez qui il est médicament indiqué/recommandé de suivre un traitement antiparasitaire, en particulier les enfants et les femmes en âge de procréer avant qu’elles ne soient enceintes;
- dépistage de la maladie chez les nouveau-nés et les autres enfants dont la mère est infectée et n’a jamais reçu de traitement antiparasitaire, afin de poser un diagnostic et d’instaurer un traitement précocement.
La réponse de l’OMS
Depuis les années 1990, d’importants succès ont été remportés dans la lutte antivectorielle et antiparasitaire en Amérique latine, dans les territoires des pays du Cône Sud, en Amérique centrale, dans le cadre des initiatives du Pacte andin et de l’Initiative intergouvernementale amazonienne, avec le Secrétariat technique de l’Organisation panaméricaine de la Santé (OPS). Ces initiatives multinationales ont permis de faire baisser considérablement la transmission et d’élargir l’accès au diagnostic et au traitement antiparasitaire.
En outre, le risque de transmission par transfusion sanguine a été extrêmement réduit grâce au dépistage universel dans toutes les banques de sang des pays d’Amérique latine, ainsi que des pays d’Europe et du Pacifique occidental où la maladie est présente. Ces progrès ont été possibles en raison de l'engagement ferme des États membres touchés par la maladie, de la force de leurs organismes de recherche et de contrôle, et avec le soutien de nombreux partenaires internationaux.
Il reste cependant une série de problèmes à résoudre, à savoir:
- la pérennisation, le maintien et la consolidation des progrès en matière de lutte;
- l’émergence de la maladie de Chagas dans des régions précédemment considérées comme indemnes – comme le bassin amazonien;
- la persistance de la maladie dans des régions où la lutte avait progressé – telles que dans la région de Chaco en Argentine et en Bolivie;
- la dissémination, principalement due à une mobilité accrue de la population entre l’Amérique latine et le reste du monde;
- l’extension de l’accès au diagnostic et au traitement à des millions de personnes infectées.
Pour parvenir à éliminer la transmission de la maladie de Chagas et apporter aux personnes infectées ou malades les soins de santé dont elles ont besoin, tant dans les pays d’endémie que dans les autres, l’OMS développe des réseaux au niveau mondial et renforcer les capacités régionales et nationales, en se concentrant sur les points suivants:
- le renforcement des systèmes d’information et de surveillance épidémiologique mondiale;
- la prévention de la transmission par transfusion sanguine et la transplantation d’organes dans les pays d’endémie et de non endémie;
- la promotion de la recherche de tests de diagnostic mieux adaptés pour le dépistage et le diagnostic de l’infection;
- l'élargissement de la prévention primaire de la transmission congénitale et prise en charge des cas d’infections congénitales et non congénitales;
- la promotion d’un consensus actualisé sur la prise en charge adéquate des cas.
(1) Argentine, Belize, Bolivie (État plurinational de), Brésil, Chili, Colombie Costa Rica, El Salvador, Équateur, Guatemala, Guyana, Guyane française, Honduras, Mexique, Nicaragua, Panama, Paraguay, Pérou, Suriname, Vénezuela (République bolivarienne du) et Uruguay.