Toutefois, M. ulcerans est une bactérie présente dans l’environnement ; le mode de transmission à l’être humain reste inconnu. Actuellement, le diagnostic et le traitement précoces sont les seuls moyens permettant de réduire la morbidité et d'éviter les incapacités à long terme.
Ampleur du problème
L’ulcère de Buruli a été signalé dans 33 pays d’Afrique, des Amériques, d’Asie et du Pacifique occidental. À l'exception de l'Australie, de la Chine et du Japon, la plupart des cas surviennent dans les régions tropicales et subtropicales. 13 de ces pays commnuniquent régulièrement des données à l’OMS.
Certains pays d'Afrique de l’Ouest et d'Afrique centrale – le Bénin, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Ghana et la République démocratique du Congo – notifient la majorité des cas.
Les tendances du nombre de cas notifiés chaque année sont impossibles à prévoir. En 2015, 13 pays ont notifié 2046 cas; en 2016 il y a eu 1920 cas et les données partielles pour 2017 indiquent 2209 cas. L’Australie et le Nigéria ont notifié un nombre croissant de cas. En revanche, on a observé en Côte d’Ivoire, qui signalait le nombre de cas le plus élevé, une baisse progressive depuis 2011.
Caractéristiques cliniques et épidémiologiques
Il y a une variation considérable des aspects cliniques et épidémiologiques à l’intérieur d’un pays ou d’un même contexte, mais aussi d’un pays ou d’un cadre à l’autre.
En Afrique,par exemple, environ 48% des sujets affectés sont des enfants de moins de 15 ans, alors qu’en Australie ils ne représentent que 10% des cas et au Japon 19%. On ne relève pas de différences importantes entre les hommes et les femmes.
Les lésions touchent fréquemment les membres: 35% les membres supérieurs, 55% les membres inférieurs et 10% d’autres parties du corps.
En termes de gravité, la maladie est classée en 3 catégories:
- la catégorie I avec une seule lésion de petite taille (32%);
- la catégorie II avec une lésion non ulcéreuse, ou une plaque ulcéreuse ou une forme œdémateuse (35%); et
- la catégorie III comportant les formes diffuses ou mixtes, ostéite, ostéomyélite, implication d’une articulation (33%).
En Australie et au Japon, la plupart des lésions (>90%) sont diagnostiquées comme de catégorie I. Depuis 2013, des cas sévères sont également enregistrés en Australie ce qui demeure inexepliqué. Dans tous les pays, 70% au moins des cas sont diagnostiqués au stade de l’ulcération.
Agent causal
Pour se développer, Mycobacterium ulcerans a besoin d’une température comprise en 29° et 33°C (alors qu’elle est de 37°C pour Mycobacterium tuberculosis) et d’une faible concentration en oxygène (2,5%). Ce micro-organisme produit une toxine particulière, la mycolactone, qui provoque des lésions tissulaires et inhibe la réponse immunitaire.
Transmission
On ignore encore le mode exact de transmission de Mycobacterium ulcerans.
Signes et symptômes
L’ulcère de Buruli démarre souvent par une grosseur (nodule) indolore. Il peut aussi se présenter initialement sous forme d’une large zone d’induration indolore (plaque) ou d’un œdème diffus et indolore des jambes, des bras ou du visage. Le pouvoir immunosuppresseur de la mycolactone au niveau local permet à la maladie d’évoluer sans douleur ni fièvre.
En l’absence de traitement, ou parfois au cours de l’antibiothérapie, le nodule, la plaque ou l’œdème s’ulcère en quatre semaines et forme alors la lésion classique à bords creusés. Il arrive que l’os soit touché, ce qui entraîne de grosses déformations.
Diagnostic
Diagnostic clinique
Dans la plupart des cas, les professionnels de santé expérimentés des zones d’endémie, établissent un diagnostic clinique fiable.
Selon l’âge du patient, le lieu où il vit, la localisation des lésions, la douleur et la zone géographique, il convient d’exclure du diagnostic d’autres affections, comme les ulcères phagédéniques tropicaux, les ulcères chroniques des membres inférieurs dus à une insuffisance artérielle ou veineuse (souvent dans les populations vieillissantes ou âgées), l’ulcère diabétique, la leishmaniose cutanée, le pian étendu ou des ulcères dus à Haemophilus ducreyi1.
On confond parfois les lésions nodulaires précoces avec des furoncles, des lipomes, des ganglions, la tuberculose ganglionnaire, des nodules de l’onchocercose et d’autres infections sous-cutanées comme des mycoses.
En Australie, il arrive de confondre les lésions papuleuses initiales avec des piqûres d’insectes.
L’inflammation du tissu cellulaire sous-cutané peut ressembler à un œdème dû à l’infection à M. ulcerans, mais dans ce cas, les lésions sont douloureuses et le patient est malade et fébrile.
L’infection à VIH n’est pas un facteur de risque mais, dans les pays de coendémie, elle complique la prise en charge. L’affaiblissement du système immunitaire rend l’évolution clinique de l’ulcère de Buruli plus agressive et les résultats du traitement sont médiocres.
En raison des voyages internationaux, des cas peuvent apparaître dans des zones où la maladie n’est pas endémique. Il est donc important que les agents de santé connaissent l’ulcère de Buruli et son tableau clinique.
Laboratoire
On peut utiliser 4 méthodes standard au laboratoire pour confirmer un ulcère de Buruli:
- l’amplification génique (PCR) de la séquence IS2404;
- l’examen au microscope;
- l’histopathologie; et
- la culture.
Néanmoins, la PCR est la méthode courante. L’OMS a publié récemment un manuel sur ces 4 méthodes pour informer les scientifiques dans les laboratoires et les agents de santé.
Traitement
Le traitement comprend l’administration d’une association d’antibiotiques et des traitements complémentaires (dans le cadre de la prise en charge de la morbidité et de la prévention et la rééducation des incapacités).
Les personnels de santé pourront trouver des orientations pour le traitement dans la publication de l’OMS intitulée Traitement de l’infection à Mycobacterium ulcerans (ulcère de Buruli).
Antibiotiques
Diverses associations d’antibiotiques administrées pendant huit semaines sont utilisées pour traiter l’ulcère de Buruli quel qu’en soit le stade. Selon le patient, on peut prescrire l’une des associations suivantes:
- une association de rifampicine (10 mg/kg une fois par jour) et streptomycine (15 mg/kg une fois par jour); ou
- une association de rifampicine (10 mg/kg une fois par jour) et clarithromycine (7,5 mg/kg deux fois par jour).
Un essai contrôlé randomisé s’est achevé en 2017. Les premiers résultats ne montrent aucune différence pour les taux de guérison entre les deux traitements.
Pour les femmes enceintes, on considère que l’association de rifampicine et de clarithromycine est l’option la plus sûre à cause des contre-indications de la streptomycine.
En Australie, une association de rifampicine (10 mg/kg une fois par jour) et de moxifloxacine (400 mg une fois par jour) est aussi utilisée avec de bons résultats bien que son efficacité n’ait pas été prouvée par un essai randomisé.
Prise en charge de la morbidité, prévention et réadaptation des incapacités
Certaines interventions, comme la prise en charge des plaies et la chirurgie (principalement le débridement et la greffe cutanée), sont utilisées pour accélérer la guérison et ainsi réduire la durée de l’hospitalisation. De plus, la physiothérapie est nécessaire dans les cas graves pour éviter les incapacités.
Ceux qui gardent des incapacités doivent suivre une réadaptation de longue durée. Ces mêmes interventions s’appliquent à d’autres maladies tropicales négligées, comme la lèpre ou la filariose lymphatique, et il est donc important d’intégrer une approche sur le long terme dans le système de santé pour que tous les patients en bénéficient. L’approche intégrée pour la lutte contre les maladies non transmissibles cutanées donne l’occasion d’intégrer la détection et la prise en charge de l’ulcère de Buruli avec ces maladies.
Prévention
Il n’existe pour l’instant aucune mesure de prévention primaire pouvant être appliquée. Le mode de transmission est inconnu. La vaccination par le bacille Calmette-Guérin semble conférer une protection limitée.
Lutte
La lutte contre l’ulcère de Buruli a pour objectif de réduire le plus possible la souffrance, les incapacités et l’impact socio-économique. La stratégie se fonde sur la détection précoce et le traitement antibiotique.
L’OMS a élaboré des documents techniques et d’information pour aider à la mise en œuvre de ces activités.
Priorités de la recherche
Elles sont au nombre de 3 pour l’ulcère de Buruli:
1. Mise au point d’un traitement antibiotique par voie orale
Un essai clinique randomisé coordonné par l’OMS a commencé au Bénin et au Ghana en 2013 avec l’objectif d’élaborer une antibiothérapie par voie orale pour l’ulcère de Buruli. Le recrutement s’est achevé fin 2016 et le suivi d’un an s’est terminé en décembre 2017; le manuscrit est en préparation.
2. Élaboration de tests de diagnostic rapide
En mars 2018, l’OMS et la Fondation pour des outils diagnostiques nouveaux et novateurs (FIND) ont organisé une réunion pour évaluer les progrès pour l’ulcère de Buruli. Il a été convenu à cette réunion de poursuivre les travaux sur les tests de diagnostic pour détecter la mycolactone, dont l’amélioration de la technique de chromatographie en couche mince mettant en évidence la mycolactone par fluorescence, qui fait actuellement l’objet d’un essai pilote dans des pays sélectionnés.
3. Mode de transmission
Malgré des études approfondies pour déterminer le mode de transmission, on ne comprend toujours pas précisément comment l’être humain contracte la maladie à partir de l’environnement. Afin de concevoir une intervention efficace de santé publique, la détermination du mode de transmission demeure une priorité essentielle de la recherche.
Action de l’OMS et riposte mondiale
L’OMS donne des orientations techniques, élabore des lignes directrices et coordonne les efforts de lutte et les travaux de recherche.
Elle réunit régulièrement tous les principaux acteurs impliqués dans le domaine de l’ulcère de Buruli pour échanger des informations, coordonner la lutte et les travaux de recherche, et suivre les progrès. Ces efforts ont aussi contribué à améliorer la visibilité de cette maladie et à mobiliser des ressources pour la combattre.
Sous la direction de l’OMS et avec l’appui d’organisations non gouvernementales, d’instituts de recherche et des gouvernements des pays affectés, des progrès réguliers et impressionnants ont été accomplis.
Références
1Mitjà, O et al. Haemophilus ducreyi as a cause of skin ulcers in children from a yaws-endemic area of Papua New Guinea. Lancet Global Health: 2014; Vol 2, Issue 4: e235 - e241.